JOHN CLARE
Voyage hors des limites de l'Essex & autres textes autobiographiques




Traduction, présentation et notes de Pascal Saliba.
Collection Pour la prose


Prix : 14 euros
Nombre de pages : 112
Format : 12 X 17 cm
Parution : 2003
ISBN 2-9515180-6-4


Présentation :
À l’époque du romantisme tardif, entre le Lenz de Büchner et l’Aurélia de Nerval, l’écriture autobiographique de John Clare (1793-1864) témoigne d’une volonté et d’une nécessité de préserver « l’identité propre », d’un combat mené contre une double aliénation, sociale et mentale. Issu d’une famille « illettrée au dernier degré », ignorant orthographe et ponctuation, John Clare  écrivit très tôt de nombreux poèmes dont certains furent publiés par John Taylor, le premier éditeur de Keats et Thomas de Quincey. Il fut cependant accusé de ne pas être l’auteur de son premier recueil. La célébrité atteignit pourtant le « poète-paysan », qui rencontra Coleridge et De Quincey à Londres, mais elle fut de courte durée, et les publications s’espacèrent. Sujet à des crises de plus en plus fréquentes dont l’origine remontait à l’enfance, Clare décida de se faire interner en 1837. C’est en s’évadant de l’asile en 1841 pour retourner chez lui et les siens, vivants et morts, qu’il rédigea les notes au rythme heurté, hâché, du Voyage hors des limites de l’Essex. Recueilli quelque temps par sa véritable épouse, Patty, John Clare retourna finalement à l’asile et y resta jusqu’à sa mort en 1864, écrivant lettres et poèmes. 

 

Extrait :

Fragments autobiographiques 
Combien de hauts et de bas ai-je rencontrés depuis mon enfance     comme le monde semble stérile autour de moi     à présent les années vont et viennent comme des messagers sans mission et sans qu'on les remarque car les histoires qu'ils racontent ne valent pas qu'on s'arrête pour les écouter     rien que soucis et déceptions     quand j'étais enfant il arrivait rarement qu'une semaine n`apporte la promesse d'une joie nouvelle     l'espoir réveillait toujours nos attentes l'année était couronnée par les fêtes 
Il est sûr que la lumière de la lune qui prolongeait nos jeux les soirs de printemps brillait d'un éclat plus vif que le soleil de midi qui nous environne à présent dans l'âge d'homme car celui-ci a perdu toute poésie pour nous     c'est toujours le même soleil et nous avons appris à le connaître car lorsque nous étions enfants chaque jour apportait un nouveau soleil     nous n'en savions pas plus et nous étions heureux dans notre ignorance - à présent le soleil ne jette plus rien de cette nouvelle et rafraîchissante lumière     il brille du haut des cieux sur les trivialités de la vie réelle et sur les travaux pénibles 
Il n'y a que la poésie sur le monde de l'enfance qui soit une poésie authentique émouvante et issue d'une âme simple le rire et la joie de la poésie et pas sa philosophie     la poésie de la maturité n'est rien sinon le souvenir de ce qui a été     rien de plus 
Tels sont les sentiments universels et l'étoffe dont la poésie est faire n’est pas grand' chose de plus     l'écho de ce qui a été ou de ce qui peut être     quand un lecteur lit de la poésie authentique il se dit souvent dans un murmure « dieu bénisse j'ai moi-même ressenti cela et je me souviens d'avoir eu de telles pensées » bien qu'il ne connaisse pas la poésie     la nature est la même partout     la marguerite porte toujours le même bouton d'or et les mêmes pétales d`argent avec ses délicates taches rouges au-dessous que ce soit dans nos plaines marécageuses ou dans les montagnes de suisse si elle pousse là-bas - mon compagnon n'avait aucune connaissance livresque de la poésie il n'avait jamais lu Thompson ni Cowper ni Wordsworth ni même peut-être entendu leurs noms cependant la nature donne à chacun un cœur naturellement simple pour comprendre son langage quoique la brutalité du monde le corrompe comme l'abeille corrompt la fleur et étouffe le cœur avec l'ignorance - il apportait souvent un Vieux livre curieux dans sa poche la plupart du temps une espèce d'ana intitulé l’art de ramasser de l'argent ou un livre de Contes dont le titre était « Rires gras » et tandis que nous trompions l'impatience d'une partie de pêche médiocre sous un saule vert ou des broussailles il se sentait aussi heureux avec ces livres que je j’étais avec Thompson Cowper ou Walton que j'apportais souvent dans ma poche pour les lire 
  Les oies sauvages qui fuient et font toutes les lettres de l'alphabet en volant 
J’aimais cette disposition à la solitude depuis mon enfance et j`avais le désir de partir à l`aventure dans des endroits où je n`étais jamais allé auparavant (…)